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Société

Créée en 2018 par des étudiantes en médecine du CHUV, le collectif CLASH se mobilise depuis contre le harcèlement sexuel et le sexisme en milieu hospitalier. J’ai rencontré Mathilde, l’une de ses membres. 

C’est à la terrasse du Bleu Lézard à Lausanne que je retrouve Mathilde, étudiante en quatrième année de médecine à Lausanne et membre de l’association CLASH (Collectif de Lutte contre les Attitudes Sexistes en milieu Hospitalier), créée en 2018 par quatre étudiantes. « Elles discutaient et elles se sont rendues compte qu’elles étaient toutes victimes de propos sexistes et de harcèlement sexuel au CHUV, m’explique-t-elle. C’est inacceptable! Et elles ont donc décidé de faire quelque chose. »

L’association CLASH a fait passer un questionnaire à quelques 800 étudiant·e·s du CHUV. Sur 180 réponses, 60 d’entre-elles contenaient des témoignages d’apprenties médecins qui racontaient les situations de harcèlement et de sexisme qu’elles avaient vécu.

Elles font alors passer un questionnaire à quelques 800 étudiant·e·s pour leur demander s’ils avaient eux aussi été victimes (ou témoins) de harcèlement sexuel ou de sexisme. « Dans le questionnaire, il y avait également un champ libre pour les témoignages. Et sur 180 réponses, 60 d’entre-elles contenaient des récits d’apprenties médecins qui racontaient ce qu’elles avaient vécu », me raconte Mathilde.

Bold move (qui, au final, est normal, parce ces situations ne devraient pas arriver et devraient être dénoncées et punies): les étudiantes récoltent tous ces témoignages et les montrent à la direction du CHUV. « Les directeurs étaient choqués et étonnés que ça existe… Mais je pense surtout qu’ils étaient dans le déni », rigole-t-elle.

« Je t’accompagne au vestiaire? »

L’association a affiché dans les couloirs du CHUV, écrits jaunes sur noir, les propos rabaissants et insultants récoltés, comme par exemple: « Si vous n’êtes pas déjà enceinte, je peux y remédier! »

En tout cas, ça a marché. Soutenues par la direction du CHUV, elles lancent en 2018 une campagne de sensibilisation: elles ont affiché dans les couloirs de la prestigieuse institution, écrits jaunes sur noir, les propos rabaissants, insultants, dégoutants et honteux qu’elles avaient récoltés. Du genre: « Si vous n’êtes pas déjà enceinte, je peux y remédier! » ou: « Je t’accompagne au vestiaire? » Yes!

Les auteurs et victimes, eux, restent anonymes. « Le truc, c’est que notre formation dépend de nos supérieurs, me dit Mathilde. S’ils apprennent qu’on les a dénoncés, on peut mettre une croix sur notre formation. » Ils restent donc malheureusement, aujourd’hui en tout cas, intouchables…

CLASH est née

A la suite de cette campagne, CLASH voit le jour, officiellement. Et même si ces impunités restent révoltantes, les membres de l’association ont quand même mis en place des actions fortes en l’espace de seulement une année: une ligne téléphonique et une adresse email pour les victimes, des rapports chaque six mois à la direction pour transmettre ces témoignages et un cours obligatoire (depuis la rentrée universitaire 2019) de prévention et de sensibilisation au harcèlement sexuel et au sexisme.

Et un autre truc vraiment cool, c’est que d’autres étudiant·e·s les contacte pour créer eux aussi le même genre d’association adaptées à leurs HES ou Universités. « C’est la mobilisation des paires pour les paires, se réjouit Mathilde. On est trop contentes, parce qu’on veut justement étendre notre travail. On est d’ailleurs allées le présenter aux étudiant·e·s de l’Université de Berne. »

Une reconnaissance officielle

Me too a quand même ouvert la parole. Depuis, il y a une politique de tolérance zéro qui s’applique. Au CHUV, les choses bougent grâce à ça.

Le 3 octobre dernier, elles ont reçu le Prix des associations féminines vaudoises. « C’est valorisant et ça fait plaisir de voir qu’on est soutenues et qu’il y a une reconnaissance. Parce qu’on est quand même encore moquées par certains membres du personnel hospitalier, traitées de chieuses et de fouteuses de merde sur les réseaux sociaux, etc. », me raconte-t-elle.

Oui, parce beaucoup restent malheureusement encore peu réceptifs à ces problèmes, souvent banalisés. « Mais c’est pour rire! » te dit-on souvent. Non! C’est pas drôle. C’est lourd. Stop it! « Me too a quand même ouvert la parole, pense-t-elle. Depuis, il y a une politique de tolérance zéro qui s’applique. Au CHUV, les choses bougent grâce à ça. Alors oui, ce n’est pas forcément par convictions personnelles de la direction… Mais c’est un bon début! »

On fini gentiment nos sirops et j’ai pu poser à Mathilde toutes mes questions. C’était vraiment inspirant de la rencontrer et de découvrir le travail qu’elles font au sein de CLASH. « C’est cool que t’écrives un article sur nous, me dit-elle. C’est une façon de se mobiliser. Il faut exposer et parler le plus possible de ces problèmes! » Parce que c’est en parlant, en se rencontrant et en se soutenant qu’on osera de plus en plus se dresser contre le harcèlement sexuel et le sexisme et que enfin, un jour on l’espère, ça cessera d’être banalisé.

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