Gemmes et fils d’or

Rencontres

Entre Genève et Lausanne, Elisa, Coralie, Erelle et Kelly m’ont ouvert les portes de leur univers. Rencontre avec quatre créatrices de la région, pour découvrir leur travail et discuter des philosophies derrière leurs marques.

Depuis quelques temps, je réfléchis à ma manière de (sur)consommer, qui entre en contradiction avec cette conscience écologique et éthique. Elle fait naître des questions, et engendre une volonté de changement. J’ai donc commencé par faire attention à mon alimentation. Mais acheter des légumes de saison me paraissait hypocrite si, en rentrant à la maison, je passais une commande sur Zalando. Parce que le secteur de la fast fashion pose lui aussi énormément de problèmes, j’aimerais aujourd’hui apprendre à profiter de la mode de manière plus responsable, en commençant par les bijoux. Elisa, Coralie, Erelle et Kelly, quatre créatrices locales, m’ont donc fait découvrir leur travail, m’ont parlé de leur philosophie, et se sont livrées sur les challenges rencontrés lorsqu’on est artisane en Suisse.

ELI – O Jewellery

A l’époque de nos grands-parents, les gens investissaient dans des pièces, et les portaient pendant des années. Elles avaient ainsi une histoire. Et c’est cette philosophie que je veux transmettre au travers de mes créations.

Parcours

Elisa a commencé à s’intéresser à la création de bijoux pendant ses études de droit. « Il me manquait quelque chose, confie-t-elle. Puis, entre 2014 et 2015, je pars à Londres en échange et prends des cours du soir de manufacture. Et là, c’est le coup de coeur! » Elle termine son master et vit pendant plus d’une année dans la capitale anglaise, où elle fait un apprentissage de bijoutière. « J’ai tout de suite voulu lancer ma marque, raconte-t-elle. Comme ça, si je devais me planter, j’aurais pu rapidement passer à autre chose. » Elle fonde alors Eli-o Jewellery, une aventure qui a commencé en 2016, et qui continue encore aujourd’hui.

Méthode de travail et philosophie

« Je mets un point d’honneur à travailler avec des gens de la région, et à utiliser du matériel éthique et durable. J’utilise de l’or et de l’argent recyclés qui proviennent d’une fonderie en Suisse allemande », m’explique-t-elle. Et même ses petites pièces, comme par exemple ses fermoirs, proviennent de fair mines. Quant aux rubis, saphirs et diamants qu’elle utilise, ils sont certifiés « zéro conflit ». 

Pour créer un bijou, elle utilise la technique de la cire perdue: « Je design mes prototypes de bagues, colliers et bracelets en cire, que j’envoie ensuite à la fonte à Genève. L’or ou l’argent est versé dessus, la cire fond, et il ne reste que le bijou brut, que j’affine à la main dans mon atelier. »

Ses créations sont presque toutes uniques et sur mesure, inspirées par la Grèce, son pays d’origine. « J’avais vraiment envie de changer notre manière de consommer le bijou, raconte-t-elle. A l’époque de nos grands-parents, les gens investissaient dans des pièces, et les portaient pendant des années. Elles avaient ainsi une histoire. Et c’est cette philosophie que je veux transmettre au travers de mes créations. »

Le futur de la marque

Aujourd’hui, Elisa vit de son travail. « J’ai vraiment de la chance, me confie-t-elle. Et si pour l’instant, je fais tout toute seule, j’aimerais bien un jour qu’on soit plusieurs dans mon atelier. » Son rêve pour plus tard? « Voyager pour partir moi-même à la recherche de mes pierres », se réjouit-elle!

Cozkoco

J’utilise beaucoup des perles « déchet », celles invendues, que j’adore récupérer. Parfois, j’en ramène même de mes voyages. Je rêverais de travailler comme ça au quotidien, et produire ainsi des pièces uniques.

Parcours

Étudiante en neuropsychologie au CHUV à Lausanne, Coralie me raconte qu’elle avait besoin de créer quelque chose avec ses mains à côté de ses études. « J’adore les bijoux, j’en ai tellement, confie-t-elle. Une amie à ma mère en fabriquait, et j’ai donc aussi voulu apprendre. » Au début, elle ne fait ça que pour elle, lorsqu’elle a un peu de temps. « Et puis mes ami·e·s ont commencé à me dire que je devrais vendre mes créations. Alors l’année passée, je me suis lancée, et j’ai fondé Cozkoco! »

Méthode de travail et philosophie

Ses pièces se veulent de qualité et bon marché. « Je fais tout toute seule, explique-t-elle, et j’y vais souvent au feeling quand je crée. Je travaille avec du gold field, une matière plus résistante que le plaqué or. J’utilise également beaucoup des perles « déchet », celles invendues, que j’adore récupérer. » Elle me raconte même que parfois, elle ramène des trésors de ses voyages, comme par exemple des perles trouvées aux Seychelles. « J’aimerais beaucoup travailler comme ça au quotidien, et produire ainsi des bijoux uniques, en petites quantités », me confie-t-elle.

Mais depuis la crise du Covid-19, Coralie me dit qu’elle pose des questions quant à la provenance de certaines de ses pièces, comme ses fermoirs et ses chaînes par exemple. « Je reçois mes matériaux par avion, m’explique-t-elle, emballés dans du plastique. Quant à mes pierres, labradorite, quartz rose ou encore agate, elles proviennent de France ou des Etats-Unis. » Elle poursuit: « C’est difficile de se fournir en Suisse, soit parce que c’est trop cher, soit parce que les fournisseurs locaux sont durs à trouver. Être cent-pour-cent éthique ici, ça a un prix. »

Le futur de la marque

Aujourd’hui, Coralie aimerait consacrer plus de temps à Cozkoco. Mais ça, c’est pour après ses études! « Je veux ouvrir mon site internet et faire beaucoup plus de marchés, me dit-elle. Je rêverais également d’avoir ma propre boutique, et de pouvoir voyager pour trouver mes pierres, et rencontrer mes fournisseur·euse·s. C’est en bougeant ainsi que tu crées des pièces différentes à chaque fois. »

Baies d’Erelle
Parcours

Couturière de formation, Erelle a longtemps travaillé dans les théâtres et opéras, de Paris à Londres en passant par Genève. D’origine franco-suisse, elle s’installe finalement à Lausanne en 2004, une ville pour laquelle elle a un réel coup de coeur. « J’ai commencé à créer mes bijoux en 2008, et à les vendre dans le magasin où je travaillais », se souvient-elle. Elle lance ensuite son e-shop et, en 2010 finalement, sa propre boutique. Baies d’Erelle est née.

Au commencement de la marque, Erelle fabrique tout toute seule. « Mais après quelques temps, les quantités sont devenues trop importantes, me raconte-t-elle. La charge de travail était telle que je n’avais plus d’énergie pour la création. » Elle trouve alors un petit atelier d’artisans dans le Marais, à Paris, qui va désormais s’occuper de l’assemblage de ses pièces, devenu aujourd’hui l’atelier de Chanel. Erelle est la dernière créatrice pour laquelle ils travaillent.

Méthode de travail et philosophie

« Je suis sensible aux énergies ésotériques, m’explique-t-elle. Et je souhaite que l’on retrouve ça dans mes créations. » Pour ses bijoux en effet, elle utilise beaucoup de pierres semi-précieuses: « Elles portent la mémoire de la terre, poursuit-elle. Au commencement de ma marque, je souhaitais d’ailleurs créer des bijoux qui serviraient d’outils thérapeutiques. Je réfléchis en effet beaucoup à la position de mes pièces sur le corps, et aux énergie avec lesquelles elles sont en contact », raconte-t-elle.

Et pour chacune d’entre-elles, Erelle se fournit le plus possible en matériaux éco-responsables. Ses pierres par exemple: « Je travaille avec une fournisseuse à Paris: elle voyage dans le monde entier, s’est créée un réseau de mineurs indépendants, et part à la rencontre des tailleurs de pierres », m’explique-t-elle. Quant à son or, il est éco-responsable, et ses métaux sont certifiés français. « On m’a beaucoup reproché de ne pas me fournir en Suisse, me confie-t-elle. Bien sûr que je souhaite le faire! Mais il n’existe pas d’atelier qui crée des bijoux fantaisie; la Suisse est spécialisée dans le luxe. Quant aux fournisseurs, ils sont beaucoup plus chers. »

Le futur de la marque

Aujourd’hui, Erelle vit de ses créations. « J’ai de la chance, la boutique fonctionne bien, même si ce n’est pas tous les jours facile », me confie-t-elle. Elles sont quatre désormais, et créent ensemble. Une dynamique qu’elle apprécie, et qu’elle souhaite conserver encore longtemps.

Outre le futur de la boutique, Erelle souhaiterais approfondir cet aspect du bijou comme outil thérapeutique. « J’aime quand les gens viennent en magasin en cherchant une pierre pour répondre à un problème, conclut-elle. Et c’est ensemble que nous trouvons celle adaptée à leur besoin. »

Cura Jewellery
Parcours

Originaire d’Afrique du Sud, où elle a longtemps travaillé dans la mode, Kelly déménage en Suisse, à Lausanne, il y a trois ans. « Ici, les gens trient leurs déchets, observe-t-elle à son arrivée. Il y en a même certains qui réutilisent le plastique pour créer des objets. » C’est ainsi qu’un jour, en triant son armoire, elle se demande où vont tous les bijoux qu’elle jette. « J’ai donc commencé à réfléchir là-dessus, me raconte-t-elle, et à me dire que je pourrais moi aussi réutiliser le plastique, mais pour en faire des accessoires! » 

Méthode de travail et philosophie

En septembre 2019, Kelly fonde donc sa marque Cura Jewellery, et commence par la création de boucles d’oreilles. « J’essaie de ne pas consommer de plastique, mais quand je le fais, je m’assure que je peux le réutiliser pour fabriquer mes bijoux, m’explique-t-elle. Je récupère aussi celui mon entourage, et parfois même je vais le chercher à la déchetterie. Il s’agit souvent des déchets de produits à usage unique. Je leur donne ainsi une seconde vie! »

Des pièces inspirées par les couleurs, l’architecture et l’asymétrie. « Une fois que j’ai fini de dessiner, je fais fondre différents plastiques mélangés dans mon four. J’utilise par exemple les bouteilles de shampoing et de lessive, ou les bouchons en pet, m’explique-t-elle. Je fais ensuite refroidir ce bloc sous un presse-papier pour qu’il prenne une forme carrée. » C’est à Fribourg (dans un atelier qui lui fournit la machine) qu’elle découpe les boucles d’oreille directement dans ce bloc de plastique.

Et chaque mélange ne peut être reproduit! Les créations sont donc uniques. « Je veux que chacune d’entre-elles aient une histoire, me dit-elle. La fast fashion nous fait perdre cette connexion avec l’objet. Et c’est quelque chose que je veux que mes client·e·s retrouvent. »

Le futur de la marque

Kelly aimerait, dans le futur, être cent-pour-cent durable et locale. « J’utilise de l’argent et de l’or recyclés de Turquie. Je leur fais confiance, mais c’est difficile de tracer réellement l’origine des métaux, me confie-t-elle. Et se fournir en Suisse est encore trop cher pour moi. » Elle m’explique également que les fournisseurs « durables » exigent une certaine quantité de commande, qu’elle ne peut assurer aujourd’hui. « Je fais de mon mieux, avec les moyens que j’ai, me raconte-t-elle. Mes boîtes par exemple sont faites en papier recyclé. J’essaie vraiment faire attention à l’empreinte que je laisse sur la planète. »

Ce fût un plaisir de partir à la rencontre de ces quatre femmes aux inspirations certes différentes, mais dont les philosophies se ressemblent. Elles veillent toutes à l’impact éthique et écologique de chacune de leur création, et veulent que leurs pièces racontent une histoire.  C’est tellement intéressant de découvrir les méthodes de travail derrière des marques suisses, et le savoir-faire de ses artisan·e·s. Une démarche qui ne peut qu’encourager à consommer aussi local que possible.

Plus d'informations

ELIO JEWELLERY – GENÈVE
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1 – Son show-room à Genève, sur rendez-vous
2 – Boutique l’H’être à Genève
3 – Boutique n°28 à Lausanne
4 – Boutique Michèle Ebinger à Zurich
5 – Dede Concept Store à Crans Montana

COZKOCO – LAUSANNE

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BAIES D’ERELLE – LAUSANNE
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CURA JEWELLERY – LAUSANNE
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1 – Le Laboratoire à Lausanne
2 – Minhature Concept Store à Soleure
3 – Riviera Concept Boutique

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